Panneaux calligraphiques ottomans (XVIIe – XIXe siècle) - Nuria Garcia Masip
Entretien avec Nuria Garcia Masip, doctorante lauréate de la campagne de contrats doctoraux OPUS en 2020
« Entre texte et image : les panneaux calligraphiques dans les établissements soufis ottomans (XVIIe – XIXe siècle) », Nuria Garcia Masip, sous la direction d'Eloïse Brac de la Perrière
Un parcours international et transdisciplinaire
C’est pendant ses études de littérature et philosophie aux Etats-Unis que Nuria Garcia Masip a découvert l’art islamique et s’est passionnée pour l’art de la calligraphie.
Après l’étude des aspects pratiques et traditionnels de la calligraphie à Istanbul (Turquie) pendant 7 ans et avoir exercé la profession de calligraphe, Nuria Garcia Masip a ressenti le besoin d’approfondir ses connaissances et d’entamer des recherches sur les origines fondant la pratique de la calligraphie d’aujourd’hui.
L’art de la calligraphie
Dans l’art islamique, la calligraphie est considérée comme un art supérieur à la peinture. La calligraphie retranscrit le texte sacré. Ce faisant, elle sacralise le lieu où elle est retranscrite.
Les études calligraphiques comprennent plusieurs niveaux d’analyse. D’une part l’analyse du style qui peut indiquer un lieu de production et une identité locale. D’autre part, la composition de l’œuvre, qui peux ajouter des differents niveaux de lecture au message calligraphié. Et enfin l’étude du contenu du texte en lui-même.
Les panneaux mobiles des loges soufis : tekke levha
Depuis son Master 1, Nuria Garcia Masip étudie les panneaux calligraphiques mobiles des établissement soufis ottomans, dont les plus anciens connus datent du début du 17ème siècle.
Si les panneaux datant des 18ème et 19ème siècles ont été valorisés. Peu d’études ont été faites sur ceux plus anciens, qui doivent être inventorié. La production ainsi que le contexte de création doivent par ailleurs être documentés. Pourquoi ont-ils été produit sur des supports mobiles donc fragiles ? Pour quels types de cérémonies ont-ils été crées ?
Les tekke levha sont de style calligraphique classique, mais assez souvent ils utilisent le calligramme, reliant ainsi calligraphie et l’image.
Lors de la République turque (1923) qui a réformé le pays pour devenir laïc, la plupart des loges soufiques ont été fermées. Les panneaux (tekke levha) ont alors été conservé dans musées ethnographiques ou conservé dans les collections privées.
Inventorier un patrimoine menacé
Le projet doctoral s’inscrit dans le projet Callfront (Calligraphie en caractères arabes dans les zones frontières du monde islamique) qui repose sur l’inventaire, mené par les chercheurs d’un consortium international, de corpus calligraphiques inédits produits aux frontières du monde islamique. Plusieurs des corpus visés par ce projet sont en danger, car ils se trouvent à l’heure actuelle en zones de conflits, ou très difficiles d’accès. Majoritairement inédits, ils sont d’autant plus vulnérables que plusieurs d’entre eux sont fortement touchés par les pillages (tout particulièrement l’Afrique sub-Saharienne, l’Afghanistan, le nord de la péninsule indienne).
Des collaborations académiques et patrimoniales
L’UFR d’histoire de l’art et d’archéologie et l’Institut des Sciences du calcul et des Données (ISCD) de Sorbonne Université collaborent étroitement à la mise en œuvre d’outils d’analyse d’images (OMEKA-S).
Pour mener à bien ses recherches, Nuria Garcia Masip s’appuie sur un réseau professionnel de calligraphes, dont des collectionneurs privés ainsi que les musées d’Istanbul, d’Ankara et de Konya.